Une meilleure régulation du secteur, c'est ce sur quoi se sont prononcés les parlementaires français. Les sénateurs ont adopté le 9 mai en première lecture une proposition de loi transpartisane pour encadrer davantage le secteur de l'influence en France .
En janvier 2023, le ministère de l'Economie avait mené une consultation auprès des acteurs de ce domaine, après de multiples plaintes d'arnaques contre certains influenceurs et des contours flous au métier. Les députés s'étaient prononcés en faveur de ce texte il y a plusieurs semaines, dans un rare moment d'entente chez les élus, démontrant le consensus politique sur cette question qui monte. La France veut mieux réguler un marché florissant, qui représenterait aujourd'hui quelques centaines de millions d'euros par an dans l'Hexagone.
De nombreuses marques, des plus méconnues aux champions du luxe, travaillent aujourd'hui avec ces nouvelles figures, les influenceurs, qui cartonnent sur les réseaux sociaux, en particulier auprès des jeunes. Mais quel est vraiment le métier d'un influenceur ? Peuvent-ils en vivre ? Pourquoi faut-il encadrer cette pratique ? Tour d'horizon des enjeux qui traversent ce jeune secteur.
1. Qu'est-ce qu'un influenceur ?
Un influenceur est une personne qui partage des contenus, principalement des photos et vidéos, à sa communauté d'abonnés sur les réseaux sociaux ou les plateformes vidéos, à l'instar d'Instagram, TikTok, ou encore YouTube.
L'Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP) définissait déjà rigoureusement ce statut. Cependant, le ministère de l'Economie a jugé bon de redéfinir le terme, ce que les élus ont confirmé dans la proposition de loi. Un influenceur est « toute personne physique ou morale qui mobilise sa notoriété pour communiquer au public par voie électronique des contenus visant à faire la promotion directement ou indirectement de biens, de services ou d'une cause quelconque, en contrepartie d'un bénéfice économique ou d'un avantage en nature dont la valeur est supérieure aux seuils fixés par décret », dicte la proposition de loi.
Attention cependant, la frontière est poreuse entre le statut d'influenceur et celui de célébrité. Certaines figures connues, comme des sportifs, artistes ou top modèles agissent comme des influenceurs lorsqu'ils font la promotion de produits contre rémunération. Pour autant, ils ne s'affichent pas forcément comme tel.
2. Combien gagnent-ils ? Quelle est la taille du marché ?
Les revenus des influenceurs sont difficiles à estimer. Beaucoup sont discrets sur leurs rétributions. En outre, il existe des influenceurs de tout type, avec des communautés qui vont de quelques milliers d'abonnés à plusieurs millions. En toute logique, plus la communauté est grande, plus les influenceurs gagnent d'argent.
Concrètement, les revenus des influenceurs sont majoritairement issus de partenariats avec des marques. Le blogueur s'affiche dans une publication avec un produit de la marque, par exemple un vêtement, un bijou, un modèle de téléphone ou encore dans un restaurant. La marque en question rémunère l'influenceur à chaque photo ou vidéo postée. Certains top modèles stars sont payés jusqu'à un million d'euros pour une photo postée avec un produit sur Instagram.
D'autres, ceux qui créent des vidéos notamment, peuvent monétiser leurs contenus, c'est-à-dire autoriser la diffusion de clips publicitaires au début ou au cours de leur vidéo. Ils sont alors payés pour chaque vue supplémentaire. C'est souvent le cas des vedettes de YouTube.
Pour autant, difficile d'estimer les revenus de chacun. Certains en vivent (15 % exercent cette activité à plein temps d'après les estimations), d'autres exercent leur activité d'influenceur en parallèle d'un autre métier. Actuellement, on évalue le nombre d'influenceurs à environ 150.000 dans l'Hexagone. Au niveau mondial, le marché devrait atteindre environ 20 milliards de dollars, d'après le cabinet Influencer marketing hub. En France, il équivaudrait à quelques centaines de millions d'euros par an. Quoi qu'il en soit, le marché grossit depuis plusieurs années.
3. Qui travaille avec les influenceurs ?
La plupart du temps, les influenceurs travaillent avec des marques qui souhaitent promouvoir leurs produits auprès d'une tranche particulière de la population. En outre, les réseaux sociaux, notamment TikTok, permettent d'atteindre une clientèle particulièrement jeune.
Le panel des marques qui paient des influenceurs est immense. Il suffit de regarder le profil d'un influenceur célèbre pour comprendre qu'une grande partie des publications est sponsorisée. Les plus connus travaillent parfois avec des marques de luxe. Lena Situations , 25 ans, une des figures les plus suivies en France (4 millions d'abonnés sur Instagram), publie régulièrement des photos sponsorisées par les marques Miu Miu, Chaumet, Chopard, Dior ou encore Louis Vuitton.
Les figures moins connues travaillent avec des marques plus grand public, voire méconnues. Mais pas seulement dans le secteur de la mode : certains influenceurs promeuvent des jeux vidéo, des sites de paris sportifs, des alcools, des destinations de voyage, des produits de beauté, de la déco, des sites d'e-commerce ou des objets électroniques. Le panel est très large. Mais une chose est sûre, très peu de marques résistent aujourd'hui à la tendance de la publicité sur les réseaux sociaux, et notamment via les influenceurs.
4. Pourquoi les pratiques des influenceurs sont-elles critiquées ?
Si le sujet de la régulation des influenceurs est arrivé jusqu'aux portes de Bercy et du Palais-Bourbon, c'est en grande partie à cause de polémiques qui ont éclaté ces derniers mois autour des arnaques sur les réseaux sociaux.
Le rappeur Booba, figure du paysage musical français, a mis en cause différents influenceurs issus de la téléréalité au printemps dernier : selon lui, ils ont arnaqué des milliers de jeunes en faisant la promotion de sites de trading, promettant des gains financiers.
D'autres influenceurs ont fait la publicité de produits de cosmétiques dangereux, voire de l'automédication pour lutter contre certaines maladies. D'autres encore ont encouragé des offres de formation frauduleuses ou vendus des produits en « dropshipping », cette pratique qui consiste en la revente de lots fabriqués à l'étranger sans vérification de la qualité des articles. Mais surtout, beaucoup ne spécifient pas explicitement le fait qu'elles sont rémunérées par des marques, créant de fait des contenus trompeurs ou mensongers.
Autant de dérives difficiles à surveiller pour les autorités : les influenceurs sont multiples, leurs publicités ne sont parfois publiques que pendant 24 heures, et leur impact sur leurs abonnés est complexe à quantifier. Mais de plus en plus de témoignages ont émergé sur les réseaux sociaux, incitant les internautes à la méfiance.
5. Comment les pouvoirs publics veulent-ils lutter contre les abus ?
Face à ces dérives, les autorités ont récemment décidé de sévir. A l'Assemblée, les députés se sont prononcés, en première lecture, en faveur d'une meilleure protection des mineurs, dans le cas particulier des « enfants influenceurs », c'est-à-dire les blogueurs de moins de 18 ans.
La loi veut désormais interdire la publicité pour les opérations chirurgicales, notamment esthétiques, ainsi que pour les produits financiers (trading et cryptos) et les produits contrefaits. Elle obligera plus clairement les blogueurs à afficher une mention lorsque leur publication est le fruit d'un partenariat rémunéré, afin d'agir en toute transparence avec les internautes. Cependant, à noter que cette dernière obligation était déjà établie par le code de la publicité, mais n'était que peu respectée. En 2022, la Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes (DGCCRF) a contrôlé que 60 % des influenceurs interrogés ne respectaient pas cette obligation.
D'autre part, l'ARPP a développé il y a maintenant deux ans un « certificat de l'influence responsable » qui doit permettre aux marques de repérer des influenceurs certifiés pour leurs bonnes pratiques et leur transparence. Ce certificat a été étendu l'été dernier aux influenceurs spécialisés dans les produits financiers.
6. Pourquoi y a-t-il un sujet particulier avec les produits financiers ?
Car ces derniers sont de plus en plus sujets à discorde dans la législation. Avec la crise sanitaire, de nombreux Français, jeunes, se sont précipités vers l'investissement dans les produits financiers, notamment le trading et les cryptomonnaies, qui avaient alors atteint des prix records. Une tendance qui a poussé certains influenceurs à promouvoir des sites spécialisés et des placements, tout en promettant des rendements alléchants. Une dérive qui a parfois entraîné d'importantes pertes pour des internautes.
L'Autorité des marchés financiers (AMF) avait alors développé avec l'ARPP un certificat d'influence responsable pour les influenceurs en produits financiers . Les sénateurs se sont prononcés en première lecture sur le sujet. Ils veulent établir la nécessité pour les influenceurs de ne travailler qu'avec des annonceurs certifiés par l'Autorité des marchés financiers. En revanche, la promotion de certains produits financiers risqués comme le Forex a été retoquée.
7. Quel est l'avenir du marché ?
Tout porte à croire que le marché va continuer d'exploser. Les réseaux sociaux sont en plein boom, et le téléphone mobile est devenu l'un des principaux vecteurs d'informations et de consommation chez les nouvelles générations. Aujourd'hui, un réseau social comme TikTok , où les internautes partagent de courtes vidéos, réunit plus d'un milliard d'utilisateurs de la planète. Une manne pour les marques qui veulent toucher un jeune public. Chaque année, les réseaux sociaux aspirent un peu plus de parts du gâteau des recettes publicitaires par rapport aux acteurs traditionnels que sont les médias, ou encore les moteurs de recherche.
Toutefois, certains influenceurs appellent de leur côté à un sursaut sur les modes de consommation, en accord avec l'urgence climatique. Récemment, la tendance à la « désinfluence » est apparue, avec des blogueurs qui promeuvent des produits plus durables, ou dissuadent les internautes d'acheter certains articles jugés de mauvaise qualité. Le hashtag #deinfluencing réunit 430 millions de vues sur TikTok. Une part qui reste cependant infime par rapport à la jungle d'un milieu qui ne cesse de grossir.
Author: Jonathan Oneill
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